Je vais être franche en vous disant que je me suis longtemps interrogée sur ma légitimité à reviewer Moloch. Ce qui m’a décidée, c’est que j’avais tout simplement envie d’en parler. Cependant, loin de moi l’idée d’en faire une critique détaillée – je passerais à côté de bien trop d’éléments. Moloch est l’un des écrits les plus riches que j’aie lus depuis longtemps. Quant à son auteur, il fait montre d’autant de sensibilité que d’intelligence dans son écriture. Le tout a de quoi intimider, je dois l’admettre. Attention donc, chef-d’œuvre en approche.
Moloch, c’est un roman choral, un drame familial autour des Rightway et des Callas. Une belle brochette d’êtres cabossés, brisés et parfois, selon leurs propres mots, complètement cinglés. Leur passé est extrêmement lourd, entre trahisons, expériences scientifiques à l’éthique discutable, enlèvements, meurtres… et, pour finir, carnage et traumatisme profond. Certain-es s’en souviennent, d’autres ont oublié. Toustes essaient de survivre, de vivre, ou se résignent à simplement exister. Parmi ces êtres, deux jumeaux que la vie n’a cessé de différencier dans la violence : Louis, “l’ange de la mort”, et Hyacinthe, qui n’a d’angélique que le visage. Et là, je dois vous signaler la simplicité presque insultante de ce résumé. Les deux frères et leur relation sont déjà une bonne représentation de la complexité de Moloch et on ne peut pas les saisir aussi facilement.
Les autres personnages ne sont pas en reste. Ils sont nombreux, passionnants, insaisissables, incroyablement humains. Leurs pensées se contredisent, se fracassent les unes contre les autres et contre leurs émotions hurlantes. Tous sont perdus, au fond, et se raccrochent à l’illusion de tout orchestrer dans le dos de leurs cousin-es. Tous ont peur, fuient, pourchassent, se cachent, jouent un rôle puis un autre. Seules étincelles d’espoir, infimes mais puissantes : Flower, le fils de Hyacinthe, qui entretient un lien très fort avec Louis ; Ari, jeune docteure ès sciences qui entame une relation timide avec ce médecin aux allures de robot ; Hobbes, rayon de soleil ambulant qui s’immiscera dans le quotidien de Hyacinthe par accident…
Vous l’avez compris : au milieu du chaos, l’amour subsiste, qu’il soit pur et sincère, tristement malsain, incompris par cellui qui l’éprouve ou le reçoit, voué à la mort ou à l’éternité. L’amour est là et brille sous ces cieux obscurs, souvent terriblement salutaire, dernière barrière avant l’irréparable.
Outre l’excellent traitement de ses personnages, Moloch affiche d’emblée un style troublant. Toute une ambiance s’installe dès le début du roman.
La vie de Hyacinthe ressemble à une ouverture de bal. N’est-ce pas ? Ou c’était juste pour faire joli. Pour que cette phrase ne soit pas trop laide, qu’elle inspire une belle image.
Lucien Hell, MOLOCH
Les phrases sont belles, sortant du cœur de l’auteur pour aller tout droit au vôtre, et à votre cerveau aussi. Lucien Hell nous parle du sens et du non-sens de la vie, des sentiments, du vide, des générations sacrifiées, de toute l’horreur et la beauté du monde. Cette violence qu’il dépeint déborde de douceur, de mélancolie sans doute. Moloch est ainsi empreint d’une profonde poésie, roman véritablement et sincèrement beau. Le rythme de la narration peut dérouter – il n’est d’ailleurs pas s’en rappeler la lenteur du jeu vidéo Silent Hill 2 (oui, j’ai casé Silent Hill dans cette review sans aucun scrupule, car je case SH et des chiens PARTOUT, et l’auteur est un admirateur de L’Échelle de Jacob ce qui, en plus d’en faire une personne de qualité, rend la référence parfaitement appropriée !) où l’exposition est longue sans jamais être ennuyeuse, tant l’ambiance est réussie et le propos pertinent.
D’ailleurs, puisqu’on parle de Silent Hill, peut-on dire de Moloch qu’il est un roman d’horreur ? Il en a des éléments en tout cas, mais en réalité, il mélange joyeusement les genres, de façon tout à fait cohérente : drame, thriller, romance, tragédie…
Oh, en parlant de tragédie, Lucien Hell écrit aussi des pièces de théâtre, notamment l’inoubliable Hérésie – Les Idoles, située dans le même univers que Moloch, comme la plupart de ses œuvres en réalité. (Comment ça, ça ne pouvait que me parler ?) Au programme : apocalypse, deuil, regrets, pardon, et toujours cette formidable humanité.
Que puis-je véritablement dire de plus, tant ce roman est imprévisible et stupéfiant ? En tant qu’autrice, il m’a donné beaucoup d’espoir. C’est le type d’œuvre qui vous donne envie de vous exprimer à votre tour, pleinement, et de faire confiance à votre propre voix d’artiste. C’est un appel au partage d’une réelle bienveillance en plus d’être, sans jeu de mots, une tuerie en matière d’écriture. Et je suis toujours aussi heureuse de constater la publication d’un nouveau chapitre, car je sais qu’après sa lecture, j’aurai de nouveau envie de croire en ma force créatrice, en plus de m’être offert un véritable festin cérébral et émotionnel.
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3 commentaires
Pikku · février 17, 2021 à 9:08 pm
Ca donne très envie d’essayer en tout cas ! merci de nous faire découvrir des oeuvres dans tes chroniques 🙂
MaloneSilence · février 18, 2021 à 10:25 am
De rien ! J’espère que Moloch te plaira. Cale-toi dans un fauteuil, les chapitres sont longs !
La communauté de l'horreur - Malone Silence · décembre 24, 2023 à 8:55 pm
[…] HellAttention, chefs-d’œuvre en approche ! Lucien Hell est l’auteur de Moloch, un de mes romans d’horreur préférés, ainsi que de pièces de théâtre qui m’ont […]
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