TW : Valentine et l’esprit mal tourné et cette chronique qui lui est dédiée parlent d’anxiété, de dépression et de suicide. J’ai voulu analyser l’histoire un peu en profondeur (pas beaucoup mais quand même), ce qui signifie que ces thèmes sont abordés dans le détail. Si vous ne vous sentez pas à l’aise à l’idée de lire ceci, n’hésitez pas à vous préserver !
Une lecture légère pour vous remonter le moral, Valentine et l’esprit mal tourné ? Pas sûr. Quand j’ai entamé le premier chapitre, je ne m’attendais pas à me faire éclater proprement la face. Pas violemment, non ; en douceur, à coups de gouttes de drama plus ou moins appuyé.
A vrai dire, je ne sais pas si cette histoire peut faire le même effet à une personne qui n’a pas connu la dépression. Valentine, l’héroïne qui n’en est pas vraiment une, est dépressive, et toute sa vie renvoie à sa maladie. Bref… la dépression, quoi, dans toute sa splendeur gluante et nauséabonde. L’humour a donc beau être présent, je ne conseille pas la lecture de Valentine et l’esprit mal tourné lors une soirée de bad.
Qu’on se le dise : la dépression est une maladie qui dure longtemps, entre crises et fadeur. Dans des cas comme celui de Valentine, soit vous vous sentez horriblement mal, soit vous vous faites chier. Bon, même sans être dépressifve, on peut trouver la vie chiante à plus d’un titre. Ainsi Valentine Dulaurière partage-t-elle sa vie entre un boulot chiant, une vie solitaire chiante et un père (vraiment) chiant. Vous connaissez peut-être ça. La vie, c’est souvent de l’ennui à ignorer ou à meubler, quand on ne vous court pas sur le haricot.
Et pour être meublé, l’ennui de Valentine va l’être. Fracassé, même. Entre un suicide dans sa librairie, un lieutenant de police aux fraises, une jeune femme aux allures de robot, des monstres et un fantôme aussi déjanté qu’imbu de sa personne, Valentine va vite être dépassée par les événements. Avouez qu’on le serait à moins.
Et les événements ne vont pas dépasser que Valentine, d’ailleurs. Valentine est la protagoniste, mais son but est seulement de retrouver une vie calme. Certes, sa vie était chiante, mais elle ne craignait pas pour elle et ne voyait pas des gens se tuer les uns après les autres. Entre la routine et les rebondissements incessants, Valentine a fait son choix.
Ce sont donc les autres personnages qui vont la pousser à l’action, volontairement ou non. Elle semble être la clé de l’énigme, mais personne ne veut lui parler. Lae lecteurice se trouve confronté-e à son ignorance, tout comme Valentine que l’on ballotte comme un paquet. Les autres personnages qui font avancer l’intrigue. Elle, non. Elle est spectatrice et chaque tentative de sortir de ce rôle se heurte à un obstacle. Les autres lui demandent de suivre, sans poser de question. En tant que lecteurice, concentré-e comme il se doit sur la protagoniste, c’est très frustrant, mais significatif.
Pour commencer, les réactions de Valentine sont réalistes. Dans les histoires du même type où le personnage principal est un-e enfant, on lae voit le plus souvent prendre les devants. Les enfants aiment prendre leur histoire en main et rêvent d’aventures. Pour les adultes, c’est plus compliqué. La plupart des gens perdent leurs rêves, la vie est chiante, la vie est sale et, si on a le privilège qu’elle soit décente, c’est déjà énorme. Valentine se trouve logiquement dans cet état d’esprit, lasse de la vie alors qu’elle a à peine trente ans. Si c’est pas représentatif de la génération…
Deuxièmement, et là c’est en tant que bientôt ex-dépressive (croisons les doigts !) que je vais parler : pour moi, ce comportement de Valentine est tout à fait logique dans la mesure où cette histoire est en grande partie une métaphore de la dépression. Peut-être que je me trompe, mais… Allez, je vous explique mon ressenti.
La dépression, c’est, entre autres choses :
- un sentiment de tristesse global
- une impression de faiblesse, physique et mentale
- l’impression de ne pas contrôler sa vie
- de l’anxiété et des crises d’angoisse
- la peur que, si changement il y a, ce soit forcément pour le pire
- une estime de soi désastreuse
- une difficulté à s’affirmer en tant que personne
- de la dépendance affective
- des idées noires/suicidaires…
En bref, c’est une sacrée merde. Avec cette maladie, chaque heure est un combat contre soi-même. Je pense sincèrement que c’est une épreuve atroce pour un être humain. Si vous traversez ça en ce moment, sachez que vous êtes un-e warrior et que votre force mentale est incroyable. Ne vous y trompez pas, les dépressifves sont plein-es de ressources. Le cerveau est une merveille.
Oups, je digresse ! (Et là je suis sûre que Tochinoshin aurait dit « graisse », mais on va y revenir. Oui.)
Sans trop spoiler Valentine, toute l’histoire se déroule comme l’arrivée, la progression, l’acmé puis la retombée d’une crise suicidaire. Faut-il donc s’étonner à ce point de la violence de certaines scènes ? Parce que les apparences sont trompeuses. Valentine et l’esprit mal tourné, c’est gore et d’une violence crue. Bien sûr, il y a les idées suicidaires explicites de Valentine, et les suicides très graphiques des victimes. Mais même après ces scènes, on peut être surpris-e de la violence du climax. Et à mon avis, ce climax correspond à la tentative de suicide en tant que telle.
OK, il va être compliqué de me justifier sans divulgâcher honteusement. Je suis tentée de vous dire que Valentine et l’esprit mal tourné vous convaincra peut-être de ma théorie, mais je doute que cela vous suffise ! Bon, le titre, déjà. Évidemment, ce titre est une blague (on va venir à l’humour, promis). Mais la dépression tourne bel et bien l’esprit dans un autre sens. Dans le mauvais sens. La boussole mentale n’est plus orientée vers la vie, mais vers la mort. La maladie vous retourne bel et bien le cerveau en faussant vos perceptions. Et ça en fait un très bon sujet pour une histoire d’horreur tant elle est effrayante pour qui la vit.
Ensuite : la secte dont les adeptes de suicident s’appelle Eléos. Dans la mythologie grecque, Eléos est la déesse de la Pitié, fille de Nyx et d’Erèbe, dieu et déesse de la Nuit et des Ténèbres – entendez par là : la nuit qui règne dans les Enfers. A partir de là, ça me suffit. Pour une personne suicidaire, faire preuve de compassion revient à abréger ses souffrances. C’est un mensonge de la maladie auquel le cerveau croit dur comme fer. Il n’y a aucune bienveillance derrière cet acte – et Valentine nous le dit ; Eléos ne veut pas le bien de notre héroïne.
Pour faire simple, disons que… la Grande Prêtresse Éléonore… vous hait. […] elle tenait plus que tout à vous mener en bateau, à ce que vous souffriez […]
Valentine et l’esprit mal tourné, Tochinoshin
Alors, j’ai raison ou pas ? 😀
Ajoutons à cela la panoplie de personnages désagréables et insultants qui renvoient Valentine à ses défauts, réels ou imaginaires, et vous obtenez un joli petit monde-dépression tout gris !
Enfin, un élément dont je devais vous parler (et je vous l’ai promis, de toute façon) : l’humour. Parce que, comme le dit Tochinoshin, personne ne plaisante aussi bien sur la dépression que les dépressifves elleux-mêmes. Si les thèmes abordés envoient valser toute légèreté, l’humour est là, en arme. On dit que c’est la politesse du désespoir, non ? Bref, puisque quitte à être malade comme un chien et avoir une vie pourrie, autant en rire, Valentine raconte ses péripéties avec beaucoup d’ironie et nous gratifie de punchlines savoureuses tout au long du récit. Les dialogues sont aussi vivants qu’hilarants, réussis de bout en bout.
Et donc, avec tout ça, qu’est-ce qui sauvera Valentine ? C’est l’instant « message d’espoir », peut-être. Ou pas. En tout cas, on reste réaliste. Parfois, pour s’en sortir, il faut s’accrocher à quelque chose, que ce soit sain ou non, bon ou non sur le long-terme. Parfois, il faut s’aggriper à une illusion, la toute dernière, parce qu’illusion ou pas, elle nous sort la tête de l’eau. Il sera toujours temps de réparer ses erreurs quand on ira mieux. Ou de faire de cette illusion une obsession, jusqu’à ce qu’elle nous fasse replonger.
Pour lire l’histoire : Wattpad • Scribay
Suivre l’auteur : Twitter
Ma dernière chronique est juste là.
Photo by fotografierende on Unsplash
2 commentaires
Tochinoshin · mars 4, 2021 à 7:54 pm
Merci encore pour cette excellente chronique. Tu as vu plein de choses très pertinentes dont je n’avais même pas conscience !
MaloneSilence · mars 4, 2021 à 8:51 pm
Haha merci ! Après c’est mon interprétation ^^ Mais on fait parfois des trucs inconscients, en écrivant, donc si c’est pertinent, bah… J’ai peut-être vu juste !
Les commentaires sont fermés.