Il y a quelque temps de ça, je disais sur mon Bluesky que mon envie de revoir Mulholland Drive se faisait de plus en plus pressante. Si j’en crois l’archive de la Woof’letter, c’est en mai 2023 que je l’ai vu pour la première fois. Sans doute, oui. Je ne retiens pas bien les dates. Ma notion du temps qui passe est claquée au sol depuis toujours, pour tout vous dire. C’est pas si grave. Même sans date, les souvenirs sont là, pour certains incroyablement vivaces.
Mulholland Drive, c’était mon premier Lynch. (Je n’en ai encore vu aucun autre, malgré l’envie.) Ma découverte s’est produite dans un ciné indépendant adepte des rétrospectives mensuelles. J’y suis allé avec une curiosité alimentée par tout ce qu’on en disait, un peu d’appréhension aussi, du fait que ce ne serait peut-être pas forcément compréhensible, tout ça. Le fait est qu’effectivement, Mulholland Drive m’a paumé. Mais à ma grande surprise et pour mon plus grand plaisir, ça m’a pas empêché de passer l’un des meilleurs moments de cinéma de ma courte vie. C’est ce que disait Taous Merakchi dans sa dernière newsletter : Lynch a cette capacité à nous absorber, et à nous faire accepter que son art nous perde. Ça finit par faire partie du plaisir, je suppose.
A l’heure actuelle, mes questionnements sur Mulholland Drive sont toujours là. Les explications que j’ai trouvées sur Internet m’ont fait dire : « Oui, peut-être, ça se tient. » Je me trouve encore partagé entre la frustration et une certaine acceptation, quand même : ouais, j’ai pas d’explication absolue, mais ce n’est peut-être pas grave. Ce film n’est peut-être pas là pour ça. J’ai vécu une expérience folle, et ça compte. Lynch parvient à nous dire tout de même certaines choses, sur Hollywood, sur les relations humaines, sur la dépression (tiens donc), et ça compte aussi. On n’a pas LA clé (héhé), mais plein de petites clés qui ouvrent des portes intéressantes… Et à nous de fouiller dans ce qui se cache derrière.
L’un des plus beaux compliments qu’on m’ait fait sur mon taff, c’est : « Tu ne prends pas ton lectorat par la main, on voit que tu lui fais confiance. » Et c’est cool. C’est cool parce que, déjà, en tant que lecteur, j’aime cette sensation de connivence. Outre le fait que ça flatte quand même un peu l’ego, ça me fait me sentir moins seul, j’imagine. On est ensemble, dans cette galère, et on y trouve de la beauté, parfois la même.
Ça contente mon côté explorateur dans l’âme, aussi. Si vous me connaissez, vous savez mon amour pour Silent Hill (promis, l’article sur Maria que je vous tease depuis beaucoup trop longtemps va sortir). J’adore SH, j’adore analyser SH et lire/écouter les analyses des autres, ça foisonne, c’est trop bien. Et si l’on veut rester premier degré : je suis un joueur explorateur. Je prends un max de temps à explorer les environnements, à regarder les détails – ce qui fait de moi un partenaire épouvantable en coop. Bref, tout ça pour dire que j’aime qu’une œuvre d’art me rassasie. Mais pas toujours directement – intellectuellement parlant.
(Pardon, ça doit faire un peu pédant, dit comme ça. Rassurez-vous : je ne suis pas la chips croustillante du paquet. Je suis juste un curieux insatiable avec plein de questions dans la tête.^^ D’ailleurs, si je fais confiance à mon lectorat, c’est parce que j’y suis un peu obligé. Je veux dire… Je cherche encore les réponses aux questions que je pose dans mes écrits ! C’est aussi pour ça que j’écris d’ailleurs BREF)
Qu’est-ce qui m’a rassasié, dans Mulholland Drive ? L’esthétique et l’émotion qu’elle provoque, déjà. Ce film transpire la passion du cinéma, dans ses plans, ses couleurs, sa musique. J’étais tellement investi ! Bon, déjà, mon thème musical préféré, c’est celui-là :
La scène que cette musique illustre y est pour beaucoup, il faut dire ! Pleurer devant une scène d’amour, ça m’arrive très rarement. Bon, forcément, quand c’est pas hétéro, ça me parle davantage. Mais surtout, la scène est belle, merde ! On pourrait parler de Llorando, aussi, scène et musique incroyables, vous même vous savez. Mais ce que je retiens surtout, c’est ce passage-là. Et ce « I’m in love with you« . OK, j’ai aussi un crush sur Rita, je… je sais.
Comment David Lynch, Naomi Watts et Laura Harring parviennent-iels à nous faire autant aimer leurs personnages ? On ne sait rien d’elles, au fond. Seulement l’essentiel : leur histoire d’amour dans la cité des rêves. Des rêves brisés, reconstitués dans une tentative désespérée avant de s’effondrer une dernière fois. Parce que pour que Mulholland Drive me parle autant, il fallait aussi qu’il parle un peu de fiction, pas vrai ? Et si l’explication la plus répandue sur le scénario est la bonne… Disons qu’il nous en dit des choses, ce film, sur l’amour romantique. Une forme d’amour pas toujours belle, pleine d’un imaginaire qu’on ne parvient pas à lâcher. Quand on a vécu des histoires aussi difficiles que passionnées, forcément, ça parle.
J’en retiens aussi les moments d’humour, évidemment. Le tueur à gages malchanceux, le cinéaste qui se fait pourrir de tous les côtés… Et puis, par-dessus tout : les éléments horrifiques ! C’est ce genre d’œuvres, ultra riches et généreuses, que je passe ma vie à chercher. Les réponses aux questions, à côté ? Je suis toujours content d’en trouver, mais c’est pas l’essentiel. Lynch disait que l’art n’avait pas à avoir du sens si la vie elle-même n’en avait pas, et l’analogie fonctionne plutôt bien pour Mulholland Drive. Parce que j’ai vécu 146 minutes de rêve. J’ai voyagé dans un autre monde, fictionnel, avec ses propres lois, et j’y ai cru. J’y ai cru de toute mon âme, et je veux y retourner.
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